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Rédaction d'articles pour étudiants

Edito

Septembre 2020

Cancer, COVID-19 et immunothérapie

Anthony Canellas (1), Paul Gougis (2), Jacques Cadranel (1)

​1) Service de Pneumologie et Centre expert en Oncologie Thoracique, APHP, Hôpital Tenon et GRC04 Theranoscan, Sorbonne Université, Paris, France.

2) Département de Pharmacologie Médicale, Sorbonne Université, INSERM, CIC-1901 Paris-Est, CLIP2, APHP, Hôpital Pitié-Salpêtrière, 75013 Paris, France

Depuis décembre 2019 le monde a été confronté à une pandémie liée à une infection respiratoire par le virus SARS-CoV2 responsable d’une maladie “COVID-19“ dont la gravité et l’expression clinique a été très variable en fonction des personnes touchées, ayant permis de définir des groupes à risque de développer des formes sévères pouvant conduire au décès. A ce jour, le meilleur traitement reste la prévention par la distanciation sociale et le port de masque. Toutefois, chez les patients les plus graves, on note une diminution significative de la mortalité chez ceux traités par dexamethasone sous ventilation mécanique (29.3% vs. 41.4%) ou sous oxygène (23.3% contre 26.2%) (1). Le caractère protecteur et la durée de la protection après infection restent à ce jour incertain.

Les cancers, une population à risque de forme grave

Dans la population des patients atteints de cancer, l’immunodépression chimio-induite et/ou les réactions immunitaires disproportionnées sous immunothérapie anticancéreuse ont été naturellement suspectées comme favorisants les formes graves de COVID-19. Pour cela, plusieurs recommandations ont été émises par les oncologues avec des décisions nationales et internationales d’espacer, voire d’annuler les cycles de traitements (2,3). Les données préliminaires chinoises suggéraient qu’en plus d’être plus facilement sujet à développer une infection symptomatique conduisant à un diagnostic virologique, les patients avec un cancer étaient plus à risque d’avoir recours à la réanimation que les patients sans cancer (39% vs 8%, respectivement; p=0,0003) (4).

 

Depuis ces données ont été reproduites au sein de différentes cohortes, provenant de différents pays en dehors de l’Asie. Il semblerait que les cancers hématologiques et de manière moins évidente les malades atteints de cancer du poumon auraient un plus mauvais pronostic au sein des malades atteints de cancer. De même, le PS, une maladie étendue, une maladie active nécessitant un traitement anti-cancéreux seraient aussi pronostiques. Ces données ont été analysées dans deux cohortes internationales concernant plus particulièrement des populations caucasiennes. La première, TERAVOLT, a concerné que des malades atteints de cancers thoraciques inclus de manière déclarative et non exhaustive plus particulièrement en Europe ; dont le diagnostic viral a été confirmé par PCR dans 90% des cas. Les résultats d’abord rapportés sur 200 malades (5) ont été affinés sur 400 malades à l’ASCO 2020 (6).Dans 84% des cas les malades étaient hospitalisés, mais seulement 8,3% d’entre eux ont été transférés en réanimation et moins 5% ont eu une ventilation mécanique, alors que la mortalité était supérieure à 35%.  

 

En analyse multivariée, l’âge, l’existence de comorbidités, le PS, l’étendue de la maladie (stade IV) et la poursuite d’un traitement anti-cancéreux étaient associés à un plus mauvais pronostic. En ce qui concerne les traitements, seule la chimiothérapie apparaissait comme pronostic, mais pas l’administration d’un inhibiteur de kinase ou d’une immunothérapie. Néanmoins, le risque de l’immunothérapie semble toujours sujet à question puisque dans une étude l’immunothérapie reste associée à un plus mauvais pronostic après ajustement sur le tabagisme (7),  alors que ce n’est pas le cas dans une autre (8).  Une deuxième cohorte CCC19, (9) a quant à elle inclus plus de 900 malade de tous types de en provenance des Etats Unis, dont environ 10% de cancer du poumon. Dans cette cohorte environ 50% des malades n’étaient pas hospitalisés et la mortalité n’était que de 13% avec un recours plus fréquent au passage en réanimation et à l’intubation. Les facteurs indépendants de mortalité retrouvés dans cette cohorte étaient l’âge, le tabagisme, le sexe masculin, la présence de comorbidités, le PS, un cancer évolutif et un traitement par azithromycine + hydroxychloroquine. La cohorte Française CACOVID portant sur tous types de cancer et ayant inclus tous types de cancers semblent donner des résultats similaires qui seront présentés à l’ASCO 2020.  

 

Les inhibiteurs des points de contrôles de l’immunité (ICIs) et particulièrement ceux qui ciblent la voix PD-1/PD-L1 sont des traitements pour lesquels les indications dans les tumeurs solides sont de plus en plus nombreuses. Leur efficacité a été démontrée au cours des dernières années avec des taux de réponses intéressants et parfois prolongés avec un meilleur profil de tolérance que les chimiothérapies. En effet, une méta-analyse récente montre des taux de mortalité induits par l’immunothérapie allant de 0,4% pour les anti–PD-1 ou anti–PD-L1 en monothérapie à un peu plus de 1% pour leur combinaison avec les inhibiteurs de CTLA-4 (10). A côté de leurs indications en cancérologie, les ICIs sont également en développement dans le cadre de certaines infections en particuliers virales.

Une nouvelle indication des ICIs ?

Un récent cas de patient atteint par le VIH traité par un anti-PD1 (nivolumab) pour un cancer bronchique a permis de constater une diminution durable du réservoir VIH, ce qui n’est actuellement pas observée avec les antiviraux classiques(11). Cet effet antiviral des ICIs est expliqué par une levée de l’anergie lymphocytaire, observée au cours de l’infection VIH. La réactivation des lymphocytes T effecteurs cytotoxiques, dont le rôle est essentiel dans l’élimination virale, permet d’expliquer l’amélioration de la clairance virale. D’autres données vont dans ce sens avec une diminution du réservoir viral et une amélioration du pronostic des malades observées dans certaines infections virales graves notamment dans la  leucoencéphalopathie multifocale progressive (LEMP),(12,13) et l’hépatite B (14,15) avec des profils de tolérance acceptables.

Actuellement plusieurs essais sont en cours pour évaluer les ICI (anti PD-1 ou PD-L1) dans le traitement du VIH (NCT03787095, NCT03367754, NCT03239899), des hépatites B et C (NCT04046107, NCT00703469) et de la LEMP (NCT04091932).

Les ICIs comme traitement potentiel du SARS-CoV2

Le rôle de l’axe PD-1/PD-L1 est important lors de la phase aiguë d’une infection virale. En effet les cellules T spécifiques du virus se caractérisent par une expression accrue de PD-1,  parmi d'autres marqueurs d'activation. De plus, les infections virales se caractérisent par une réponse inflammatoire innée (16) induisant une libération de cytokines inflammatoires nécessaires à la montée d’une réponse immunitaire adaptative mais au contraire délétère lorsqu’elle est disproportionnée (cytokines storm), comme observée dans les formes graves de COVID-19. Une étude sur des modèles murins suggère que PD-1 est impliqué dans la protection contre le décès(16). Par exemple, pendant la phase aiguë d’une infection chronique par la choriomeningite lymphocytaire, les souris PD-1 déficiente meurent du fait d’une libération systémique élevée de cytokines induisant une nécrose des cellules endothéliales(16). Ces résultats suggèrent un rôle possible de l’axe PD-1/PD-L1 pour amortir la réponse immunitaire pendant la phase aiguë des infections persistantes et ainsi éviter une réaction inflammatoire liée à la production disproportionnée de cytokines inflammatoires.

 

Des études explorant les infections virales respiratoires aiguës chez la souris utilisant le virus de la grippe et le métapneumovirus humain (HMPV) suggèrent également un rôle protecteur de l’axe PD-1/PD-L1 dans la réduction des lésions immunopathologiques de la phase aiguë(16). Dans ces expériences, un traitement par anti-PD-L1 des souris infectées par le HMPV a entraîné une amélioration de la fonction des cellules T CD8+ pulmonaires et une réduction de la charge virale pulmonaire dans la semaine suivant l'infection. Cependant, l’inhibiteur de PD-L1 a été associé à une augmentation des niveaux de cytokines pro-inflammatoires dont l’interféron gamma (IFNγ), le tumor necrosis factor alpha (TNFα) et l’interleukine 6 (IL-6). En accord avec ces données, les coupes histologiques de poumons d’enfant atteints de grippe A H1N1 sévère retrouvent une forte expression de PD-1 et PD-L1.

 

En plus de l’orage cytokinique observé au cours de l’infection par SARS-CoV2, une lymphopénie périphérique a été également constatée et dont l’intensité serait associée aux formes sévères de COVID-19. De même, la COVID-19 favorise l’anergie des cellules NK et des lymphocytes T CD8+ par l'expression de NKG2A chez les patients COVID-19, qui pourrait être réactivés avec les anti-PD1.(17) Ainsi, des essais évaluant le rôle des anti-PD-1 ont été proposés dans le traitement de la COVID-19 chez malades hospitalisés et atteints ou non de cancers.

 

References

1.         Group TRC. Dexamethasone in Hospitalized Patients with Covid-19 — Preliminary Report. N Engl J Med [Internet]. 17 juill 2020 [cité 21 août 2020]; Disponible sur: https://www.nejm.org/doi/10.1056/NEJMoa2021436?url_ver=Z39.88-2003&rfr_id=ori%3Arid%3Acrossref.org&rfr_dat=cr_pub++0pubmed

2.         You B, Ravaud A, Canivet A, Ganem G, Giraud P, Guimbaud R, et al. The official French guidelines to protect patients with cancer against SARS-CoV-2 infection. Lancet Oncol. 25 mars 2020;

3.         Girard N, Greillier L, Zalcman G, Cadranel J, Moro-Sibilot D, Mazières J, et al. Proposals for managing patients with thoracic malignancies during COVID-19 pandemic. Respir Med Res. 24 mai 2020;78:100769.

4.         Liang W, Guan W, Chen R, Wang W, Li J, Xu K, et al. Cancer patients in SARS-CoV-2 infection: a nationwide analysis in China. Lancet Oncol. 1 mars 2020;21(3):335‑7.

5.         TERAVOLT (Thoracic cancERs international coVid 19 cOLlaboraTion): First results of a global collaboration to address the impact of COVID-19 in patients with thoracic malignancies [Internet]. [cité 21 août 2020]. Disponible sur: https://www.abstractsonline.com/pp8/#!/9045/presentation/10927

6.         Horn L, Whisenant JG, Torri V, Huang L-C, Trama A, Paz-Ares LG, et al. Thoracic Cancers International COVID-19 Collaboration (TERAVOLT): Impact of type of cancer therapy and COVID therapy on survival. J Clin Oncol. 1 juin 2020;38(18_suppl):LBA111‑LBA111.

7.         Robilotti EV, Babady NE, Mead PA, Rolling T, Perez-Johnston R, Bernardes M, et al. Determinants of COVID-19 disease severity in patients with cancer. Nat Med. 2020;26(8):1218‑23.

8.         Luo J, Rizvi H, Egger JV, Preeshagul IR, Wolchok JD, Hellmann MD. Impact of PD-1 Blockade on Severity of COVID-19 in Patients with Lung Cancers. Cancer Discov. 1 août 2020;10(8):1121‑8.

9.         Kuderer NM, Choueiri TK, Shah DP, Shyr Y, Rubinstein SM, Rivera DR, et al. Clinical impact of COVID-19 on patients with cancer (CCC19): a cohort study. Lancet Lond Engl. 20 juin 2020;395(10241):1907‑18.

10.       Wang DY, Salem J-E, Cohen JV, Chandra S, Menzer C, Ye F, et al. Fatal Toxic Effects Associated With Immune Checkpoint Inhibitors: A Systematic Review and Meta-analysis. JAMA Oncol. 01 2018;4(12):1721‑8.

11.       Guihot A, Marcelin A-G, Massiani M-A, Samri A, Soulié C, Autran B, et al. Drastic decrease of the HIV reservoir in a patient treated with nivolumab for lung cancer. Ann Oncol Off J Eur Soc Med Oncol. 01 2018;29(2):517‑8.

12.       Walter O, Treiner E, Bonneville F, Mengelle C, Vergez F, Lerebours F, et al. Treatment of Progressive Multifocal Leukoencephalopathy with Nivolumab. N Engl J Med. 25 avr 2019;380(17):1674‑6.

13.       Cortese I, Muranski P, Enose-Akahata Y, Ha S-K, Smith B, Monaco M, et al. Pembrolizumab Treatment for Progressive Multifocal Leukoencephalopathy. N Engl J Med. 25 avr 2019;380(17):1597‑605.

14.       Gane E, Verdon DJ, Brooks AE, Gaggar A, Nguyen AH, Subramanian GM, et al. Anti-PD-1 blockade with nivolumab with and without therapeutic vaccination for virally suppressed chronic hepatitis B: A pilot study. J Hepatol. nov 2019;71(5):900‑7.

15.       Pu D, Yin L, Zhou Y, Li W, Huang L, Cai L, et al. Safety and efficacy of immune checkpoint inhibitors in patients with HBV/HCV infection and advanced-stage cancer: A systematic review. Medicine (Baltimore). janv 2020;99(5):e19013.

16.       Jubel JM, Barbati ZR, Burger C, Wirtz DC, Schildberg FA. The Role of PD-1 in Acute and Chronic Infection. Front Immunol [Internet]. 2020 [cité 25 mars 2020];11. Disponible sur: https://www.frontiersin.org/articles/10.3389/fimmu.2020.00487/full

17.       Zheng M, Gao Y, Wang G, Song G, Liu S, Sun D, et al. Functional exhaustion of antiviral lymphocytes in COVID-19 patients. Cell Mol Immunol. 19 mars 2020;1‑3.

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